À la rencontre d’un designer Français chez Nike, Batiste Rémy.
Si vous ne le savez pas, la France regorge de talents dans le footwear design. Chez les plus grandes marques sportswear, on retrouve souvent des Français dans les équipes design. Nike Air Zoom Chalapuka, Air Zoom Spirimic, Cortez Flyknit, Vapormax Plus sont quelques-uns des modèles sur lesquels a travaillés Batiste ces dernières années. Nous avons eu la chance de lui poser quelques questions sur son travail chez Nike.
Peux-tu te présenter ?
Je m’appelle Batiste Remy, je suis footwear designer pour Nike au World Headquarters (WHQ) situé à Beaverton dans l’état d’Oregon. Je suis originaire de la ville de Villeneuve-les-Avignon dans le Sud-Est de la France. J’ai fait 5 ans d’étude dans le design de produits à Paris. Ma première expérience professionnelle a été chez Quicksilver, à Hossegor. Je travaillais alors sur le design des montres et des lunettes.
Puis j’ai collaboré avec un ami de Bordeaux qui créait sa propre marque de chaussures, Someone Shoes. Il m’a fait confiance et m’a permis de créer mon premier design de chaussures. Tout a commencé sur ce projet qui m’a initié au design de sneakers. Enfin, j’ai été embauché chez Nike, au European Headquarters (Nike EQH) situé aux Pays-Bas, avant de partir pour les Etats-Unis.
Quel est le processus de création d’un modèle ?
Lorsqu’il s’agit d’un produit conçu pour un sport, on écoute toujours ce que l’athlète a à partager. L’idée est de designer un produit qui leur permet d’atteindre leur meilleur potentiel. C’est d’ailleurs ce que je préfère dans ce métier, résoudre un problème tout en travaillant main dans la main avec les athlètes.
De manière plus pragmatique, je fais plus souvent un mock-up 3D du modèle pour débuter le process de son design. Chaque designer doit être capable de réaliser un « patron » d’une sneaker et savoir la construire avec ses mains. Il y a en effet une énorme différence entre un dessin et un vrai prototype 3D de la chaussure. Certaines lignes de la chaussure peuvent sembler très efficaces sur un dessin mais ne pas fonctionner lorsqu’il faut monter la chaussure. La version 3D est toujours très utile pour résoudre en amont des problèmes de construction. Je fais également pas mal de recherches sur les semelles intermédiaires en les testant aussi en 3D. Elles jouent un rôle primordial sur les sneakers.
Lorsque le design est prêt, je prépare alors des informations techniques qu’un développeur contrôle et envoie à l’usine. Il y a en général 4 à 5 prototypes avant d’avoir la version finale. Lorsque c’est nécessaire, nous n’hésitons pas à aller directement à l’usine pour retravailler des détails afin d’obtenir le résultat le plus abouti possible.
Quel a été ton projet favori ?
C’est un projet récent mais je ne peux pas encore en parler car la paire n’est pas encore sortie (l’interview date de décembre 2017, le modèle est déjà sorti et c’était bien la VaporMax Plus). Je me suis fait plaisir notamment sur la conception des Nike Air VaporMax Plus car pour moi c’est un honneur et un privilège de pouvoir réinventer une icône de NIKE .
Quel modèle aurais-tu rêvé de designer ?
Il y a énormément de sneakers que j’aurais aimé avoir designé. Si je devais en choisir une seule, je dirais la Nike Air Max Plus TN (celle qu’on appelle la « requin » en France). À l’époque, son design était révolutionnaire et son impact en Europe démentiel ! Il n’y a pas énormément de sneakers qui ont reçu un surnom des consommateurs. La requin, c’est presque devenu son nom officiel en France. Le modèle est toujours tendance 20 ans plus tard, elle est devenue une icône.
Si tu avais la possibilité de designer autre chose, que choisirais-tu ?
Si j’avais l’opportunité de designer quelque chose d’autre, j’aimerais créer des montres. C’est un très bel objet et surtout très intéressant à designer. La montre peut être vue comme un bijou, un outil technique, sa versatilité m’intéresse beaucoup. Il y a le côté technique du mécanisme, le rendu visuel du cadran, du bracelet et d’autres éléments très précis. Travailler le tout offre énormément de possibilités.
Quel conseil donnerais-tu à quelqu’un qui voudrait devenir footwear designer ?
Essayer d’être toujours curieux et ne pas tomber dans un style spécifique en se disant que c’est sa signature. Un designer capable de créer deux modèles de sneakers totalement différent est, pour moi, bien plus impressionnant. Cela prouve notamment qu’il est en capacité de se réinventer, de prendre des risques et de changer de perspective. Il faut aussi beaucoup dessiner, tout le temps, et créer. Ne pas avoir peur de s’essayer aussi à la 3D après des dessins, cela permet d’avancer. Un footwear designer aujourd’hui doit pouvoir imaginer un design et créer la sneaker dans la même semaine. L’impact est bien important lorsque l’on présente un produit fini plutôt qu’un rendu, même si ce dernier est essentiel dans le processus de création.